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Le Conseil constitutionnel vient de censurer l’interdiction faite aux employeurs de disposer librement de leur patrimoine au profit de leurs employés à domicile. Ils peuvent donc consentir des donations ou des legs en leur faveur.

Protéger une personne fragile contre l’abus de faiblesse et le risque de captation d’héritage est impératif d’ordre public. Mais parallèlement, la liberté de disposer de son patrimoine est une prérogative du droit de propriété garanti par la Déclaration des droits de l’Homme. Les pouvoirs publics doivent donc trouver un juste équilibre pour ne pas priver les citoyens de leur faculté de faire des libéralités (donations et legs).

Une interdiction générale…

La loi interdit les salariés, bénévoles ou responsables de structures accomplissant des services à la personne et assistance aux personnes âgées, aux personnes handicapées ou aux autres personnes qui ont besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité favorisant leur maintien à domicile, de recevoir de celle-ci donations de son vivant ou legs, pendant la durée de la prise en charge ou de l’assistance.

Une libéralité réalisée en contradiction avec la loi peut être annulée à la demande d’héritiers se considérant comme lésés. L’interdiction, qui peut s’expliquer par le caractère vulnérable du donateur du fait de son grand âge ou de sa maladie du donateur, s’appliquait même en l’absence de vulnérabilité. C’est pour cette raison que le Conseil constitutionnel l’a jugée contraire à la Constitution par une décision du 12 mars 2021  (QPC n° 2020-888).

… qui porte atteinte au droit de propriété

À l’origine de cette décision, la succession de Madame B, décédée sans héritier réservataire. Cette dernière avait laissé un testament désignant ses quatre cousins comme légataires universels et son employée de maison légataire à titre particulier d’un appartement et de son contenu. Les cousins ont réclamé l’annulation du legs en justice, arguant de l’interdiction de recevoir de l’employée de maison. La Cour de cassation, jugeant qu’il existait un doute sérieux sur la validité d’une interdiction de portée générale, a saisi le Conseil constitutionnel.

Les sages ont entendu les arguments de la salariée à domicile qui mettait en avant que l’interdiction en question ne prend pas en compte la capacité juridique ou l’existence d’une vulnérabilité particulière des donateurs.

Selon le Conseil constitutionnel, la vulnérabilité (et ses conséquences sur l’altération du consentement) ne se présume pas du seul fait que les personnes auxquelles une assistance est apportée sont âgées, handicapées ou dans une autre situation nécessitant cette assistance pour favoriser leur maintien à domicile. D’ailleurs, « le seul fait que ces tâches soient accomplies au domicile des intéressées et qu’elles contribuent à leur maintien à domicile ne suffit pas à caractériser, dans tous les cas, une situation de vulnérabilité des personnes assistées à l’égard de ceux qui leur apportent cette assistance ».

Or, l’interdiction s’appliquait même quand pouvait être apportée la preuve de l’absence de vulnérabilité ou de dépendance du donateur à l’égard de la personne qui l’assiste. Dans ces conditions, elle «  porte au droit de propriété une atteinte disproportionnée à l’objectif poursuivi (et) doit donc être déclarée contraire à la Constitution ». 

À l’avenir

L’abolition de l’interdiction s’applique à toutes les affaires non jugées au 13 mars 2021 et aux successions ouvertes à partir de cette date. En pratique, les employeurs, même très âgés, malades ou handicapés, peuvent désormais faire des libéralités à leurs employés de maison à domicile. Il reviendra aux héritiers contestataires de prouver que le donateur n’avait pas un consentement éclairé lorsqu’il a consenti ces donations.

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